Wine O'Clock: Deux Mondes

Par Pierrick Jegu

« Le monde du vin ». L’expression mériterait certainement d’être conjuguée au pluriel, eu égard à la diversité des viticultures qui cohabitent en France et dans le monde : conventionnelles vs bio ou « nature », industrielle vs artisanale… et, plus récemment, technologique vs manuelle. Aujourd’hui, dans le vignoble, un fossé se creuse entre ces deux dernières tendances de fond. 

Wine O'Clock: Two worlds

Sécateur ou machine à tailler ? Vendangeurs ou machine à vendanger ? Cheval ou tracteur ? Je me souviens d’un vigneron affirmant mieux connaître ses sols depuis qu’il menait la charrue derrière son cheval, les pieds dans la terre, plutôt que lorsqu’il était juché sur le siège de son tracteur… Mus par la même philosophie, lui et ses « collègues » agissent de manière à développer une connivence et une proximité extrêmement fortes avec leurs parcelles, voire chaque pied de vigne ou presque. Chose impossible, selon eux, si l’on n’est pas à leur contact direct.

Prenons l’exemple de la taille des vignes en hiver : chaque souche étant unique, il convient d’adapter ce geste à la physionomie de la plante, à sa vigueur et à sa capacité à porter plus ou moins de raisins. Une machine n’aura pas cette compétence-là. Idem pour les vendanges. Pour de multiples raisons – le poids de l’engin qui tasse les sols et peut déstabiliser les vignes, la volonté de privilégier l’œil et la main de l’homme… -, pas question de confier la récolte à une machine.
En cave, ces vignerons agissent dans le même esprit, avec une technologie réduite à son minimum, souvent limitée à un contrôle des températures dans les cuves. Ils ne sont pas de fervents lecteurs des catalogues professionnels vantant les mérites de tel ou tel équipement viticole ou œnologique dernier cri. 

À l’inverse, un autre pan de la viticulture pratique une sorte de « course à l’armement », pour le confort de travail et/ou la rapidité d’exécution des taches. Machine à tailler ; robot enjambeur, guidé par GPS, pour désherber entre les pieds de vignes ; drones destinés à la surveillance de la vigne afin, par exemple, de prévenir l’apparition de maladies ; robot – encore un ! - déambulant entre les ceps de manière autonome, pour collecter une foule d’informations, comme les niveaux d’azote ou d’humidité ; machines à vendanger avec tri optique et instruments de mesures de la maturité des raisins ; pressoirs connectés… : les innovations présentées chaque année dans les salons spécialisés se comptent par dizaines. 

Il ne s’agit pas là de remettre en cause certaines de leurs vertus, mais simplement de constater que cette viticulture high-tech est loin de l’image traditionnelle et poétique du vigneron au chevet de sa terre, de ses vignes et de ses raisins. Affirmer pour autant que les vins issus de cette démarche dernier cri se révèleraient forcément de moindre qualité serait aller un peu vite en besogne. 
Et vous, qu’en pensez-vous ? 

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Pierrick Jegu
Pierrick Jegu

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